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Pourquoi interdire les tabacs aromatisés ?

L’interdiction du tabac aromatisé a fait ses preuves en matière de prévention du tabagisme chez les jeunes.

Nous savons que le tabac aromatisé est dangereux. Il crée de la dépendance chez les jeunes, les incite à devenir des consommateurs réguliers et rend l’arrêt du tabac plus difficile. Le menthol, en particulier, facilite la consommation de tabac, car il procure un effet rafraîchissant et engourdissant qui masque le goût âpre et la sensation de fumer. L’industrie du tabac en est également consciente, c’est pourquoi elle se bat pour que les arômes continuent d’être commercialisés et tente de retarder ou de bloquer les interdictions d’arômes.

Malgré les tentatives de l’industrie du tabac de contrecarrer ces interdictions, environ 40 pays disposaient en 2021 de politiques en vigueur ou en cours d’élaboration sur les arômes de tabac. Les arômes et les produits soumis à ces interdictions varient. Certaines interdictions concernent tous les arômes, tandis que d’autres laissent le menthol sur le marché. Certaines visent le tabac et les accessoires aromatisés, tandis que d’autres ne visent que le tabac.

Bien que nombre de ces interdictions soient relativement récentes et que leurs effets à long terme soient encore inconnus, les données recueillies jusqu’à présent en la matière sont prometteuses : Ces interdictions se traduisent par des taux d’abandon plus élevés chez les consommateurs de tabac aromatisé. Toutefois, il est plus difficile de déterminer — et c’est peut-être le plus important — le nombre de jeunes qui n’ont pas commencé à fumer grâce à l’interdiction des arômes.

Dans quels pays les arômes de tabac sont-ils interdits ?

Le Brésil, le Canada, l’Éthiopie, les États-Unis, la Mauritanie, la Moldavie, le Niger, le Nigeria, l’Ouganda, le Sénégal, Singapour, la Turquie, le Royaume-Uni, et les 27 États membres de l’Union européenne ont adopté des politiques régissant l’utilisation d’arômes dans les produits du tabac.

Les raisons officielles de l’adoption de ces interdictions varient, mais de nombreux États ont fait valoir la protection des jeunes. Cinq pays ont spécifiquement mentionné leurs obligations au titre de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour la lutte antitabac, un traité mondial consacré à la réduction du tabagisme. Cette Convention préconise l’interdiction ou la restriction des produits du tabac aromatisés, dont le seul but est de rendre le tabac plus agréable à consommer. Beaucoup reste à faire : 168 pays ont signé la Convention mais seule une quarantaine d’entre eux ont adopté des mesures concernant les arômes.

L’interdiction des arômes de tabac date de 2009 et n’a cessé d’évoluer. Certaines dispositions, notamment celles de la Directive européenne sur les produits du tabac, ont commencé par restreindre les arômes non mentholés, avant de s’étendre aux arômes mentholés. Par ailleurs, la Turquie a commencé par interdire uniquement certains arômes non mentholés en 2012, puis a étendu cette mesure au menthol en 2015, avant de la généraliser à tous les arômes en 2019.

Certaines villes, certains États et certaines provinces ont édicté des réglementations plus strictes que celles établies à l’échelle nationale. Au Canada, plusieurs provinces ont instauré leur propre politique d’interdiction du menthol avant l’adoption, en 2017, d’une politique nationale d’interdiction du menthol. Aux États-Unis, le Massachusetts a interdit le menthol en 2020, la Californie en 2022, mais aucune disposition nationale en la matière n’a encore été adoptée.

Les interdictions d’arômes sont-elles efficaces ?

L’industrie du tabac aimerait vous faire croire que non. Toutefois, cette même industrie est aussi connue pour promouvoir des données scientifiques trompeuses qui servent ses intérêts commerciaux. Tel a été le cas en 2021, lorsque l’industrie a présenté des données, laissant entendre que l’interdiction des arômes par la ville de San Francisco (Californie) avait entraîné une augmentation du taux de tabagisme chez les lycéens. Dans un autre article, les chercheurs ont révélé que les données analysées dans l’étude citée par l’industrie avaient été collectées avant l’entrée en vigueur de l’interdiction.

D’autres études mettent en évidence les avantages des interdictions. Au départ, comme on pouvait s’y attendre, l’interdiction des arômes a entraîné une baisse des ventes de produits du tabac aromatisés en Europe et en Amérique du Nord.[1] Si le tabac aromatisé n’est pas en vente, le nombre de personnes qui en achètent diminuera.

Une étude des taux de tabagisme au menthol au Canada a également révélé que cette interdiction avait entraîné un plus grand nombre de tentatives d’abandon du tabac et de tentatives fructueuses chez les fumeurs de tabac au menthol par rapport aux fumeurs de tabac non mentholé. En outre, selon cette étude, l’absence de tabac mentholé aurait contribué à éviter la rechute des fumeurs de tabac mentholé qui avaient arrêté de fumer avant l’entrée en vigueur de l’interdiction.

Certaines études mettent également en évidence les domaines dans lesquels les interdictions ne sont pas efficaces. L’étude sur les taux de tabagisme au menthol au Canada a révélé que les fumeurs de tabac mentholé étaient plus susceptibles de passer à des cigarettes sans menthol que d’arrêter complètement de fumer.

Les effets bénéfiques de ces interdictions d’arômes sont prometteurs. Toutefois, pour être plus efficaces en matière de réduction du tabagisme, les interdictions devraient avoir une portée plus large.

Des tendances comparables ont été observées aux États-Unis. Selon les données existantes, l’interdiction des arômes, qui ne concernait pas le menthol, a permis de réduire les taux de tabagisme chez les jeunes et les jeunes adultes, mais la plupart des fumeurs sont passés aux cigarettes mentholées ou non aromatisées. Cinq ans après l’interdiction des arômes, les ventes de cigares aromatisés avaient également augmenté, ce qui laissait supposer que certains utilisateurs se tournaient simplement vers d’autres produits aromatisés. Dans huit pays de l’Union européenne (UE), 9 % des fumeurs interrogés avaient complètement arrêté de fumer après l’interdiction des arômes au sein de l’UE, tandis que 5 % étaient passés aux cigarettes mentholées et 62 % aux cigarettes non aromatisées.

Les effets bénéfiques de ces interdictions d’arômes sont prometteurs. Toutefois, pour être plus efficaces en matière de réduction du tabagisme, les interdictions devraient avoir une portée plus large. Elles devraient s’appliquer à tous les produits du tabac aromatisés ainsi qu’aux nouveaux produits et aux modifications de produits que l’industrie met sur le marché pour contourner ces interdictions, notamment les accessoires aromatiques et tous les additifs aromatiques.

Les interdictions d’arômes qui frappent tous les produits du tabac et la commercialisation de ces produits pourraient faire baisser le nombre de fumeurs qui passent des cigarettes aromatisées aux cigares aromatisés, par exemple. L’interdiction des accessoires aromatisés, tels que les embouts de filtre aromatisés, les capsules aromatisées et les cartes d’arômes, pourrait également mettre un terme à l’utilisation continue de produits aromatisés. En outre, l’interdiction des additifs aromatiques, au lieu de « caractériser les arômes », serait plus facile à contrôler et préviendrait la nocivité d’arômes indétectables. Grâce à une interdiction plus globale, l’industrie aurait moins de failles à exploiter.

Par ailleurs, l’introduction ou la promotion de services efficaces d’aide à l’arrêt du tabac lors de l’adoption d’une interdiction des arômes pourrait faire baisser le nombre de consommateurs de tabac aromatisé qui passent tout simplement à un tabac non aromatisé.

Il est essentiel de prendre en compte un aspect que les données à court terme actuellement connues ne permettent peut-être pas d’appréhender : le nombre de jeunes qui n’ont jamais commencé à consommer du tabac (aromatisé ou non) à la suite de ces interdictions. Si l’une des principales justifications de l’interdiction des arômes est la réduction de la consommation de tabac chez les jeunes, ce facteur ne saurait être négligé.

Où faut-il interdire les arômes ?

Selon les estimations, 38 millions de jeunes de 13 à 15 ans dans le monde consomment du tabac — dans tous les pays et dans toutes les régions du monde, quel que soit le niveau de revenu. Un grand nombre d’entre eux sont devenus dépendants des arômes. Pour faire baisser ce nombre et préserver des millions de jeunes des méfaits du tabac, aujourd’hui et demain, tous les pays devraient interdire les arômes.

Il faudrait en particulier privilégier les interdictions d’arômes dans les pays où l’utilisation d’arômes est en hausse (notamment, dans une étude récente portant sur les pays où l’utilisation d’arômes est en hausse, seul un pays de la liste, le Nigeria, a interdit les arômes). Les pays dont la population jeune est ciblée par l’industrie et où les lois antitabac sont généralement peu contraignantes devraient également privilégier l’interdiction des arômes afin de prévenir la dépendance de leurs jeunes citoyens.

Les États devraient endiguer l’une des causes profondes du tabagisme, à savoir les arômes, et les interdire définitivement afin de réduire le nombre de fumeurs et les dommages sanitaires, sociaux et économiques qui en découlent.

[1] Euromonitor International, Global market share for menthol and capsule cigarettes, 2014-2020, consulté en septembre 2020.