Pourquoi l’industrie aime—et protège—les arômes de tabac
Les arômes de tabac rendent les produits plus attrayants, c’est pourquoi l’industrie se bat contre les interdictions d’arômes, dont le but est de sauver des vies.
Les dangers du tabac aromatisé sont bien connus : Il est attrayant pour les jeunes, incite les personnes à s’adonner plus facilement au tabac et rend plus difficile l’arrêt du tabac. En d’autres termes, les arômes de tabac sont l’un des incitatifs les plus efficaces dont dispose l’industrie du tabac pour rendre la prochaine génération dépendante des produits du tabac.
C’est pourquoi l’industrie lutte contre les interdictions d’arômes ou trouve des moyens de les contourner. S’il n’y a pas d’arômes pour masquer le goût, l’odeur et la sensation désagréables du tabac pour les jeunes ou les nouveaux fumeurs, moins de personnes deviendront des fumeurs à vie. Cela signifie moins de pression sur les systèmes de santé et les économies. Moins de pertes et de chagrin pour les familles et les communautés. Cependant, pour les fabricants de tabac, cela ne signifie qu’une chose : moins de profits.
Pourquoi l’industrie aime les arômes de tabac
Pour que l’industrie du tabac survive, il faut que les jeunes deviennent dépendants à ses produits. S’il n’y avait pas de nouveaux fumeurs, les fabricants de tabac feraient faillite si les fumeurs actuels arrêtaient de fumer ou mouraient des suites de l’utilisation de leurs produits. L’industrie cible donc les jeunes en tant que « fumeurs de remplacement » — un terme utilisé par un employé de R.J. Reynolds en 1984. Bien que ces mots aient été prononcés il y a près de 40 ans, la tactique consistant à cibler les enfants et les jeunes est toujours d’actualité.
De nombreux consommateurs de tabac actuels révèlent que le premier produit du tabac qu’ils ont essayé était aromatisé. En outre, les données font état de ce que les personnes qui découvrent le tabac en consommant du tabac aromatisé sont plus susceptibles de devenir des fumeurs à vie. En bref, les arômes sont souvent un moyen de passer de l’expérimentation à la consommation régulière, une stratégie que l’industrie n’abandonnera pas sans se battre.
Comment l’industrie lutte contre les interdictions ou trouve des moyens de les contourner
Depuis 2021, une quarantaine de pays ont mis en œuvre ou prévoient de mettre en œuvre des politiques relatives aux arômes afin de protéger les jeunes, conformément aux recommandations du traité mondial sur la santé, la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac.. En réponse, l’industrie prend des mesures pour protéger ses profits.
Sachant que l’absence d’arômes pourrait réduire le nombre de jeunes qui commencent à fumer, les fabricants de tabac font pression contre les interdictions pour en empêcher l’entrée en vigueur. En 2013, le ministère chilien de la Santé a tenté d’interdire les cigarettes mentholées, mais le projet a été rejeté à la suite des pressions exercées par l’industrie du tabac. Lorsqu’un nouveau projet de loi visant à interdire les cigarettes mentholées a été présenté en 2015, British American Tobacco a menacé de cesser ses activités dans le pays.
Les fabricants de tabac luttent également contre les interdictions, même après qu’elles ont été approuvées. Deux jours seulement après que les électeurs de l’État de Californie, aux États-Unis, ont voté pour l’interdiction du tabac aromatisé, R.J. Reynolds a intenté une action devant la cour fédérale pour empêcher l’entrée en vigueur de l’interdiction. (La Cour suprême a rejeté la demande de l’entreprise).
Les interdictions d’arômes suivent généralement l’une des deux approches suivantes : Les gouvernements peuvent interdire tous les additifs aromatiques ou interdire les « arômes caractérisants ». Avec une interdiction des « arômes caractérisants », les fabricants de tabac peuvent encore inclure des additifs aromatiques tant qu’il est impossible pour l’utilisateur de les percevoir, bien que des données probantes font état de ce que ces additifs peuvent encore rendre le tabac plus agréable au goût.
Les arômes sont souvent un moyen de passer de l’expérimentation à la consommation régulière, une stratégie que l’industrie n’abandonnera pas sans se battre.
Lorsque les décideurs politiques envisagent d’interdire les arômes, l’industrie fait souvent pression en faveur de l’interdiction plus ambiguë des « arômes caractérisants ». Ce fut le cas lors de la révision en 2014 de la directive européenne sur les produits du tabac, qui ne prévoyait finalement qu’une interdiction des « arômes caractérisants ». Cette interdiction des arômes caractérisants comprenait une interdiction du menthol, qui devait entrer en vigueur en 2020.
Dans les mois qui ont précédé et suivi l’interdiction du menthol, Japan Tobacco International a mis sur le marché 66 nouveaux produits qui n’étaient pas étiquetés comme mentholés, mais dont l’emballage vert et bleu laissait entendre qu’ils étaient aromatisés. Certaines de ces variétés ont été testées en laboratoire et il a été établi qu’elles contenaient du menthol. En Californie, R.J. Reynolds a lancé une nouvelle gamme de cigarettes dont l’emballage coloré était similaire à celui du tabac aromatisé et dont la publicité comportait des termes tels que « crisp » et « tropical oasis ». En mai 2023, le procureur général a ordonné à l’entreprise de cesser de vendre ces nouvelles cigarettes, car elles n’étaient pas conformes aux dispositions relatives à l’interdiction du tabac aromatisé en vigueur dans l’État. R.J. Reynolds a réagi avec une tactique typique, en intentant un procès contre l’État de Californie.
Lorsque les fabricants de tabac ne parviennent pas à contrecarrer la réglementation, ils modifient leurs produits ou introduisent de nouveaux accessoires aromatisés non couverts par la réglementation, afin de continuer à toucher les jeunes. Les fabricants ont introduit des filtres et des papiers aromatisés pour le tabac à rouler, des embouts de filtre qui peuvent être insérés dans des filtres spécifiques et des cartes aromatisées qui peuvent être insérées dans les paquets de cigarettes, telles que les « cartes aromatiques » d’Imperial Brands disponibles dans les saveurs « menthol chill » (menthol) et « fresh mint » (menthe fraîche), qui ont été lancées au début de l’année 2020.
Où l’industrie concentre-t-elle l’utilisation des arômes ?
Une nouvelle étude révèle une augmentation préoccupante de la part de marché du tabac aromatisé dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI), où vivent 80 % des consommateurs de tabac dans le monde et où la question des arômes n’est que peu encadrée par la réglementation.
Les chercheurs ont constaté une forte utilisation des produits aromatisés dans certains PRFI et une augmentation de la part de marché dans d’autres. Parmi les pays dont la part de marché est élevée (20 % ou plus en 2019) figurent le Cameroun, le Nigeria et les Philippines, et parmi ceux dont la part de marché a doublé entre 2005 et 2019 figurent l’Ouzbékistan, la Bolivie, l’Égypte, le Nigeria, l’Inde, le Pakistan, le Viêt Nam et l’Ukraine. Les chercheurs ont notamment établi des liens entre les parts de marché élevées et les activités de l’industrie, notamment le marketing et l’ingérence dans l’élaboration des politiques.
Dépasser la rhétorique pour voir les véritables priorités de l’industrie du tabac
Les mesures prises par les fabricants de tabac pour préserver l’utilisation des arômes peuvent laisser perplexe, surtout si l’on s’en tient à leur discours officiel selon lequel leur souhait est que personne, en particulier les jeunes, ne commence à consommer du tabac. Mais l’histoire a prouvé que les actions de l’industrie montrent ses motivations mieux que ses paroles.
En dépit des efforts de l’industrie, des villes et des pays du monde entier ont réussi à mettre en œuvre des interdictions d’arômes et en constatent les effets positifs. Si un nombre croissant de gouvernements prennent des mesures pour interdire totalement les arômes, les générations futures seront protégées d’une potentielle dépendance à vie et des nombreux effets néfastes du tabagisme.